vendredi 8 mai 2015

De l'engagement

J'ai eu besoin dans les derniers jours de lire des auteures, de me reconnecter d'une certaine façon avec la féminité - le féminisme même dans le cas d'Un été sans les hommes de Siri Hustvedt. Existe-t-il une parole féminine? Sans aucun doute. Peut-être est-ce la raison pour laquelle tu n'as pas jugé bon jusqu'ici de lire Louise Warren, que je ne ressens pas le besoin pour l'instant de découvrir autrement que par pans (à travers des adaptations théâtrales particulièrement) James Joyce.

Hier soir, j'étais invitée à un événement que certains auraient pu qualifier de « littéraire ». Pourtant, aucun conférencier pompeux, aucun auteur névrosé qui ressasse les mêmes phrases. Des piles de livres, à l'architecture mouvante, disposées à la va-vite sur la table de la salle à manger d'un appartement montréalais. On donne d'une main, on reprend de l'autre. Un partage de mots sans chichis, sans attentes. Le plaisir de lecture à son état le plus pur. Musarder, se laisser séduire.

J'ai retrouvé avec une joie réelle des connaissances que je n'avais pas croisées depuis des lustres. Des baisers d'accueil chaleureux, des embrassades prolongées dans un cas. Était-ce lié à l'arrivée presque intempestive de l'été? À un moment, l'une, particulièrement radieuse, a évoqué sa bague de fiançailles. Rien pourtant à l'annulaire gauche. Elle a plutôt retourné son avant-bras droit pour nous montrer les caractères chinois qui y étaient tatoués. Des motifs pas spécialement artistiques à première vue et pourtant. Elle a expliqué qu'on y retrouvait en plus petit des souhaits de vie (dont je n'ai rien retenus) et en plus gros, le prénom de son amoureux. Sur l'avant-bras de ce dernier, celui de sa belle.

Porter l'autre sur soi, en tout temps, à même la peau, dans un endroit où le regard se porte naturellement, le sien autant que celui des autres. Pas sur la poitrine, dissimulé aux yeux de tous sauf de l'aimé. Pas sous une manche ou au-dessus d'une omoplate. Un détournement d'une certaine façon de l'expression le cœur sur la main

Comment ne pas ressentir un certain vertige - un vertige certain - en devenant témoin d'un tel engagement? Impossible ici de lui redonner sa bague, de la ranger dans un boîtier que l'on repousse le plus loin possible, au fond d'un tiroir. Dans un monde éphémère, dans lequel tout s'effrite dès que l'on gratte un peu la surface, comment ne pas saluer la folie du geste, ne pas ressentir une certaine jalousie pour son incommensurabilité?

Dans un an, où serai-je? Qui serai-je devenue? Quels vents auront cinglé ma peau alors que j'avance, à découvert, sans doute pour la première fois? Une certitude cependant. Tu seras là, je serai là, même si nous serons autres.

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