samedi 9 mai 2015

Goldberg

En route vers l'arrêt de bus, j'ai réalisé que j'avais oublié de prendre le roman entamé la veille. Moment de panique. Une heure aller-retour sans la présence des mots d'un(e) autre? Je pioche encore dans le sac, sens sous mes doigts mon calepin, puis un autre objet relié. Les variations Goldberg de Nancy Huston, vestige de mon dernier voyage à Toronto, que j'avais pensé lire dans le métro sur le chemin du retour.

Il n'y a pas de hasard sans doute - évidemment. Ces quelques phrases ont attiré mon regard.
« Pendant nos leçons, on ne parlait presque pas. Elle, comprend. Quel ma musique est bâtie sur le silence. Un pont jeté à travers. Même pas un pont, un filet. Troué. Ouvert sur le silence. »
J'ai laissé les mots glisser en moi. L'essence même de la musique me reviendrait plusieurs heures plus tard, alors que je marcherais vers chez moi. Avec fulgurance, je me suis rendu compte que, contrairement à ce que j'avais affirmé au cours des deux dernières années, la musique n'est pas ma langue maternelle, mais paternelle.

La voix du père, qui chantait. Sa première femme pianiste dont je feuilletterais les partitions à l'adolescence. La musique classique qui s'empare de la maison, du matin jusqu'à la fin de l'après-midi. Que je retrouve tous les vendredis soirs Salle Claude-Champagne. Que je déchiffre avec facilité, comme les lettres, dès mes cinq ans.

Langue qui n'aura jamais fini de se révéler à moi, comme l'exacte nature du lien qui m'unissait à celui qui est disparu trop tôt de ma vie.

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