« Le théâtre est un art qui semble éphémère, mais il est la mère de toutes les mémoires. Quand le rideau tombe, que la scène s’évanouit de noir, que tout semble fini et que tout bascule dans le souvenir, alors, à ce moment précis, le souvenir n’est pas souvenir; il devient mémoire naissante qui, à jamais, autant chez l’acteur que chez le public, s’immortalise. L’acteur est un pont créateur de mémoire vive. » (Jean-François Casabonne, Du je au jeu)D'où vient cet amour indéfectible que je porte au théâtre? Difficile de mettre une date précise, de cibler un élément déclencheur. Je pourrais certes faire référence aux télé-théâtres présentés aux Beaux dimanches jadis (quand la télévision d'état n'avait pas encore renié l'essence même de sa mission sociale), autant que les concerts et spectacles de danse présentés. (Quel choc ressenti à l'âge de neuf ou dix ans en découvrant Le sacre du printemps de Béjart pour la première fois!)
Quand j'y réfléchis bien, il y avait aussi le plaisir brut d'en faire. Je me souviens de cette séance organisée avec les voisins, un été, alors que j'étais encore à l'école primaire. Nous avions répété (une série de sketchs plus ou moins scriptés dans mon souvenir, rien d'écrit en tout cas), dessiné des affichettes que nous avions apposées sur quelques poteaux du quartier, avions même osé inviter le curé de la paroisse (un prêtre et sa sœur logeaient au-dessus de chez moi et nous avons sans doute considéré que c'était une bonne idée)... qui s'était déplacé! Ma mère qui n'était au courant de rien avait été tellement mortifiée quand il s'était installé dans notre jardin!
À l'adolescence, j'ai suivi des ateliers, participé à quelques productions estivales, lu des pièces de Molière, Racine, Hugo, Musset... et puis la musique a pris toute la place. Je me suis remise à fréquenter les salles de théâtre un peu plus tard, en simple spectatrice, avec un petit pincement quand même, tentée une fois ou deux par l'idée de faire partie d'une troupe d'amateurs. (En réalité, je pense que j'aimerais mieux écrire, diriger ou faire partie de l'équipe technique, occuper un rôle de soutien donc.)
La fragilité du théâtre, mais surtout sa profonde humanité le rapprochent pour moi du concert. En effet, tout peut arriver au théâtre (il y a des textes inoubliables, des soirées magiques), contrairement au cinéma, où chaque geste, chaque son ont été calibrés pendant des heures. Les mots nous rejoignent directement, s'inscrivent en nous de façon souterraine, germent, produisent des fruits, parfois des années après que l'on ait vu une production. Je ne peux par exemple oublier les Gauvreau proposés par le TNM (La charge de l'orignal épormyable et L'asile de la pureté surtout), tout comme Ines Pérée, Inat Tendu de Ducharme (L'hiver de force à un moindre niveau), En attendant Godot de Beckett (j'ai hâte de le revoir la saison prochaine), Bob de René-Daniel Dubois, Les Atrides dans l'Église Saint-Jean-Baptiste, ma découverte du FTA... La liste serait si longue.
J'ai endossé pour la première fois l'habit de critique de théâtre en 2009, sur les recommandations de notre ancien ami commun, pilier de la revue JEU alors. Six ans déjà... Des centaines de productions vues depuis, de moins bons soirs certes, mais toujours, encore, à chaque fois que l'on met le pied dans la salle, la promesse si ténue que la magie du théâtre fonctionnera une fois de plus. Comment résister à une telle sirène?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire