mercredi 13 mai 2015

Question de vocabulaire

Tu sais la profonde affection que je porte à Schumann et ce, depuis l'enfance. Si j'étais fascinée par la vie de Mozart telle qu'on me la racontait sur mon disque de la collection Le petit ménestrel, j'ai fréquenté Schumann de l'intérieur, en travaillant des pièces de son Album pour la jeunesse dès ma deuxième de piano (j'ai toujours gardé cette partition d'ailleurs).

Il y a quelques années, pendant l'entracte d'un récital de Janina Fialkowska, un monsieur – trop –sérieux m'avait lancé un imparable « Il faut être fou pour comprendre Schumann! » J'imagine (mon souvenir est somme toute assez flou) qu'il n'a pas osé avancer « Il faut être fou pour jouer Schumann! », mais peut-être l'a-t-il pensé au fond...

Cet homme était assurément dépourvu d'imagination, ne puisait aucune force dans la littérature, restait sans doute insensible aux mélanges de couleurs, imperméable au changement, n'avait pas compris que la vie est une suite de petits tableaux, autant de scènes de commedia dell'arte dont était friand Schumann. Si son Quintette avec piano, porté par la puissance d'un même souffle, reste pour moi une page magique, il faut tout de même admettre que Robert est au sommet de son art dans le fragment, l'instantané, le portrait en quelques traits presque négligés, pourtant si précis.

J'ai retrouvé tout à l'heure les Papillons, que je n'avais pas revisités depuis des années. Après avoir joué quelques extraits à une étudiante hier soir (elle travaille le dixième tableau), j'ai ressenti une envie presque viscérale de m'y replonger aujourd'hui. Après m'être réchauffée avec quelques préludes et fugues de Bach, j'ai rouvert cette partition achetée à Paris il y a plus de vingt ans dans une boutique de partitions usagées en bord de Seine, y ai retrouvé les indications tout sauf discrètes de ma professeure d'alors. Quelques hoquets ici et là (les endroits encerclés, justement), mais sinon, une reconnaissance tactile du matériel, un plaisir auditif accru, ces courtes phrases se jetant les unes dans les autres prenant enfin tout leur sens.

Après avoir retravaillé quelques passages ici et là, j'ai enchaîné la pièce depuis le début, réalisant que plusieurs des gestes musicaux me permettaient de mieux comprendre les Fantasiestücke opus 12, notamment « Ende vom Lied » (Fin du chant), qui m'avait laissée jusqu'ici perplexe. Un même vocabulaire au fond, des registres parallèles, deux pages disposant d'un ADN commun. Il suffit parfois d'une seule clé pour comprendre un langage.

2 commentaires:

  1. « Papillons » en écoute ce soir dans la maison d'Austin.

    Merci les amis ! :)

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  2. Tu m'en donneras des nouvelles... Je te recommande le Carnaval aussi et le dernier mouvement de la Fantaisie opus 17.

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