Chère Elle,
J'écris pour ne pas vivre mort, écrit Pascal Guignard (dans l'un des livres du Dernier royaume). C'est cela, avoir l'écriture pour modus vivendi. Toi et moi écrivons tous les jours, pour le travail (rédaction, traduction et révision comme moyens de payer le loyer), mais aussi, surtout devrais-je dire, pour rester vivant. La nécessité irrépressible d'écrire, de faire oeuvre du présent, de ne pas laisser la petite vie nous distraire de la profondeur existante, le souci de travailler aux choses qui nous dépassent, autant de visées qui arrachent l'esprit aux vacuités existentielles. En dépit des besoins vitaux, manger, dormir et travailler, je réalise, avec émotion, que l'écriture au quotidien demeure toujours aussi présente. Chose admirable, chez toi et chez tous les écrivains, la volonté artistique qui tire sa source non pas d'un désir de dépassement de soi ou l'envie d'être publié — ou même lu — mais bien d'un profond désespoir. Désespoir lumineux, dirait notre ami Rilke. Au fait, voici un phrase j'ai lue il y a quelques années (Les Cahiers de Malte Laurids Brigge) :
« J’ai prié pour retrouver mon enfance, et elle est
revenue, et je sens qu’elle est encore toujours dure comme autrefois et qu’il
ne m’a servi à rien de vieillir. »
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