jeudi 7 mai 2015

La même langue

« Quelqu'un m'écrit. Nous parlons la même langue. Des noms nous servent de lampes. Cela reste clair et mystérieux. Parfois, en le lisant, je me demande: Où en est-il en lui? Quelle solitude parcourt-il entre sa solitude et une page d'écriture? Comment regarde-t-il les arbres? Quelque chose d'émouvant, de très seul, se détache de son être. » 
Quand j'ai croisé ces mots dans Objets du monde - Archives du vivant de Louise Warren il y a moins d'une heure, j'ai su qu'ils nous étaient destinés. Où en est-il en lui? Où en suis-je en moi? La distance parcourue est souvent étonnante. Je ne suis plus celle que j'étais il y a cinq ans, un an, un mois au fond. Le propre de l'artiste n'est-il pas de continuer à avancer, quoi qu'il advienne, d'accepter que la donne se transforme au fur et à mesure, que les goûts peuvent s'émousser, se transformer?

 Une envie soudaine de boire quelques gorgées de cette drogue douce que mon corps réclamait tous les après-midis à la même heure pour étayer mon raisonnement. J'y ai trempé les lèvres et réalisé combien le breuvage fait partie d'un passé, pas si lointain pourtant (six mois, presque rien), que je n'avais plus rien en commun avec celle qui s'était laissée intoxiquer, pas uniquement par ce cocktail pétillant, mais par cette violence sourde qui faisait partie du vocabulaire de quelques êtres ayant croisé ma route.

Certains se pressent sur le chemin de Compostelle, dans l'espoir de (re)donner un sens à leur vie, de se (re)définir. J'ai l'impression que pour avancer, je dois d'abord accepter de me délester du superflu, de ces impondérables qui griffent les agendas, mais surtout de ces couches de protection dans lesquelles on a choisi un jour de se draper, mais qui, si on n'y prend pas garde, peuvent freiner notre avancée.

Hans op de Beeck, Window


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