Les grandes villes rassemblent autant qu'elles isolent, protègent autant qu'elles révèlent. Combien d'habitants ne sortent jamais de chez eux - ou à la rigueur pour aller récupérer quelques victuailles au dépanneur au coin de la rue -, contemplent les mêmes murs, se laissent avaler par l'écran - de télévision pour les moins fortunés, d'ordinateur pour ceux qui le sont plus? Combien vivent au quotidien avec des voix intérieures avec lesquelles ils se sentent incapables de négocier, avec des passés si lourds que leur vie en est maintenant irrémédiablement hypothéquée?
Je croise régulièrement cette femme je dirais dans la cinquantaine, pas particulièrement jolie, de forte carrure sans être en surpoids, aux vêtements passés de mode et souvent trop courts, qui marche d'un bon pas, avec son ours de peluche dans les bras. Elle lui parle sans cesse, le houspille la plupart du temps, l'incite avec vigueur à l'écouter, à respecter ses consignes. Parfois aussi, elle ne fait que le serrer dans ses bras, comme une petite fille perdue, à qui on a peut-être jadis retiré tout droit au rêve, aux histoires de princesses qu'un baiser du prince suffit à réveiller - révéler -, qui se terminent par « happily ever after ». Quelqu'un quelque part aurait-il pu empêcher cette chute irrévocable?
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