lundi 8 juin 2015

Sevrage

Il s'agit de volontairement les négliger pendant quelques jours pour réaliser combien nous sommes devenus dépendants de nos joujoux électroniques. Plus personne ne se voit, plus personne ne se parle, sauf par application interposée.

Chaque jour ou presque, un quidam en train de texter passe à deux doigts - choix de termes non gratuit ici - de me renverser. Ne voit-il pas mes pieds approcher de son espace? Serais-je devenue translucide? Je n'ose pas évoquer la prolifération d'écrans de téléphones qui brillent dans la demi-obscurité avant un spectacle, que la personne soit accompagnée ou non, ce qui me dépasse complètement. Comment peut-on choisir de faire un signe à des soi-disant amis en ligne, alors que l'on ignore une personne en chair et en os, que l'on n'a peut-être pas vue depuis des mois, assise à nos côtés? Et puis, a-t-on absolument besoin d'annoncer à tous à l'instant même que nous sommes attablés à tel resto, avons découvert un nouveau drink magnifique, un lieu inusité? Ces instants, comme ceux que l'on photographie, ne sont pas vécus.

Samedi, je me suis perdue de longues minutes devant des toiles de divers artistes à la Galerie Art Mûr, lieu que je découvrais dans un calme presque total. À un moment, j'ai sorti mon téléphone pour en prendre quelques-unes en photo et puis j'ai réalisé l'insignifiance d'une telle démarche. Quelle utopie de penser pouvoir capter la lumière si particulière des photographies d'Henri Venne, l'étourdissement ressenti devant les propositions de Michel Piquette (Tout se perd, rien ne se crée... quel titre d'exposition porteur) ou la fascination devant le travail minutieux de Robbie Cornelissen! L'art est fait pour être créé, vécu, partagé, nous rappeler la fragilité et la puissance de l'homme... certainement pas pour être dénaturé à travers un filtre, peu importe sa nature.

Robbie Cornelissen, The Need to Disappear

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