vendredi 26 juin 2015

Tout écrire (ou presque)

On s’est manqués hier. J’aurais pu me rendre à l’appartement où tu étais, sur le Plateau (à 15 minutes de chez moi à pied), mais j’avais rendez-vous avec mon amie Sandra, que je n’avais pas encore vue cette année. Comme je l’ai déjà écrit ici, l’été revendique au sommet l’ivresse, la fièvre et l’exaltation. Au rythme effréné auquel il est vécu par bon nombre de québécois, il m'est impossible de ne pas me réjouir chaque fois que j’arrive au café et que le WiFi ne fonctionne pas (ce qui est le cas une ou deux fois par semaine). Je peux alors m’occuper de tâches que je garde habituellement pour le soir, à la maison : lecture, écoute musicale, réflexions. Ces pauses en plein après-midi rassérènent davantage l’esprit justement parce qu’elles font volte-face à l’habitude. Ironie du sort, celles-ci relancent mon envie de travailler. L'absence de WiFi interrompt certes l’élan de la besogne, mais il en amène un autre immédiatement, celui-là plus salutaire pour le corps, hélas!, au détriment du client qui attend notre réponse par courriel.

Ce faisant, ma présence sur notre blogue a été un peu plus irrégulière ces derniers jours. Bien que j’étais avec toi – et nos lecteurs – spirituellement parlant, je me trouvais dans des eaux un peu plus incarnées, plus diffuses aussi. Parlant de notre blogue, m’est venue l’idée d’ajouter sous le titre existant une épigraphe, quelque chose comme : « Écriture à quatre mains sur la musique, la littérature, la vie. » ou encore « Elle et Lui, chaque jour, autour de la musique, la littérature et la vie. » J’aimerais que l’on présente encore mieux notre page, histoire d’inviter plus cordialement, plus aimablement nos prochains lecteurs — et ceux actuels. Recréer un salon où l’on se tutoie dès la première rencontre.

Sur une autre tonalité, mon roman n’avance pas aussi bien que je le voudrais. Je dois l’avouer, l'été, tu le sais, je suis plus sensible à l’amour. Disons que c’est la saison où l’absence d’amour m’atteint un peu plus fort. C’est la saison où il est inexcusable, voire inacceptable de ne pas se trouver parmi les êtres. L’abondance de possibilités d’amour, d'affections et de chaleur (au réel comme au figuré) est si manifeste qu’elle fait sourdre nos carences un peu plus fort. Je n’y échappe pas, et c’est là que je suis contraint à l'amélioration de mon sort, en allant à la rencontre de nouvelles personnes et de nouveaux lieux. Me voilà précipitamment, joyeusement, indolemment prêt à aborder ces personnes, à leur parler de littérature, de musique, de notre ville, de leur pays d’origine, de leurs enfants qui vieillissent trop vite, de leur instrument de musique qui ne sert plus. Je suis chanceux, car les gens m’accueillent immédiatement, probablement sentent-ils que je n'attend rien en retour, que je n’ai pas peur de donner (tout donner, selon le cas). À ces moments où le don de soi dépasse les rythmes de la terre (père et mère de ce monde en savent quelque chose), j'oublie un peu plus qui je suis, ce que je donne exactement, pourquoi je fais ceci ou cela. Je ne sais qu’une chose, c'est que mon appariement à autrui est aussi instinctif que la soif, la faim, aussi inaltérable que mon besoin de dormir. C'est une nécessité animale. Au même moment, dans la rue, au café ou en compagnie d’un être qui révèle son unicité par sa seule capacité d’observer le monde de ses propres yeux et non de ceux d’un autre, je sens le silence et la solitude me manquer un peu plus. C’est ainsi que l’été m’anime et me déchire tout à la fois, comme incapable d'y vivre caché. Sous ces auspices, l'été ne peut être la saison du bonheur, mais celle de l’émancipation de la solitude vers une existence somme toute plus élastique, où la liberté se fait moins romantique, un peu plus superficielle.


En dépit du WiFi inopérant, j’écris chaque jour – en mode hors connexion – un billet pour Accord parfait. Il m’arrive parfois, en le copiant-collant vers le blogue, d’enlever une phrase ou même un paragraphe. Cette fois-ci, j’ai envie de faire autrement. Pour me dérober à l’incognito, je publie ici l’intégralité dudit texte. Les auteurs écrivent trop, n'écrivent pas assez juste. Au reste, la justesse, c'est plus souvent l’affaire du lecteur que de l’auteur.

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