Mon inconscient considère sans doute que ma période de sevrage technologique devait se poursuivre. Ce matin, alors que je me dirigeais vers l'arrêt d'autobus direction Musée des beaux-arts de Montréal, j'ai réalisé que j'avais oublié mon téléphone à la maison. L'autobus passant aux 25 minutes, je n'avais pas vraiment le loisir de rebrousser chemin. Je me suis dit qu'il fallait lire les signes quand ils se présentaient.
Aurais-je vécu l'expérience Rodin de façon différente avec un téléphone en main, histoire de capter quelques instantanés? Assurément... Sans emprise réelle du temps ou du matériel, j'ai pu plonger autrement dans l'essence même du geste créateur car, il faut l'admettre, que l'on aime Rodin ou non, il y a quelque chose de très émouvant à découvrir des versions préliminaires, en plâtre par exemple, d’œuvres que l'on pensait ne plus pouvoir regarder d'un œil neuf, à contempler les différences entre différentes maquettes, à le voir dans son atelier, géant veillant sur ses créatures.
Impossible de ne pas être soufflé aussi par la maîtrise avec laquelle le sculpteur a travaillé toutes ces mains, qui semblent nous appeler, que l'on a une envie folle de toucher, malgré les multiples pictogrammes nous interdisant bien sûr de le faire. (Des modèles de résine dans la dernière salle nous procureront ce plaisir indéniable.) Une main traversée d'un trait diagonal qui empêche la nôtre d'en toucher une autre, créée il y a plus d'un siècle... Notre société moderne n'en est certes pas à un paradoxe près.
Dans la boutique, j'ai feuilleté la monographie (impressionnante), mais mes yeux ne cherchaient au fond qu'un seul volume, qui m'intrigue depuis des années: le livre qu'a consacré Rilke à Rodin. J'ai lu une demi-phrase tout au plus avant de comprendre qu'il serait inutile de résister à son appel.
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