Oui, en effet, deux des trois compositeurs de nos triumvirats respectifs se recoupent, ce qui explique certaines affinités certes. J'ai aimé Chopin jadis, comme tous les jeunes pianistes sans doute (je n'ai encore jamais rencontré un qui n'ait eu sa phase Chopin, que celle-ci ait duré quelques mois ou plusieurs années). Son portrait par Delacroix était sur mon mur, tout comme celui de Nelligan et quelques dessins au fusain ou à la sanguine de ma main. (Mais pourquoi diable est disparu le lien physique que j'entretenais avec le papier? J'y reviendrai sans doute.)
La nuit du décès de mon père, alors que j'avais 18 ans, j'ai joué Chopin pendant des heures, passant notamment à travers ses Nocturnes, recueil que je délaisserais pendant des années avant de pouvoir me le réapproprier autrement, d'abord à travers l'enseignement, puis en tant qu'interprète. Le Nocturne en do mineur opus 48 no 1 occupera d'ailleurs toujours une place unique dans mon cœur.
Peut-être ai-je trop joué Chopin (pas seulement cette nuit-là). Une chose est certaine: à un moment, j'ai atteint un point de saturation, le chantre du piano devenant trop souvent synonyme d'une certaine mièvrerie sous les doigts de nombreux interprètes. Et puis, un jour, j'ai compris que l'on pouvait écouter - et jouer - le compositeur autrement, comme l'adulte qui revisite quelques pans de son passé (comme le fait souvent Schumann d'ailleurs), mais en continuant à regarder vers l'avant. Cela a tout changé.
Trois... le chiffre que Bach considérait parfait. Nous partageons assurément un autre axe de trois: musique, littérature, transmission. Que ce soit à travers l'enseignement, l'écriture (professionnelle ou non), la rencontre avec l'autre, nous avons tous les deux besoin de partager, histoire de contrer l'immobilisme, le statu quo.
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