Chopin est mon père en musique. Mon père tout court, oserai-je dire. Ma première oeuvre entendue est le Prélude no 17 en la bémol majeur, que Mendelssohn adorait. La première pièce qui m'a tiré des larmes, la Polonaise op. 53 dite Héroïque. La première que j'ai jouée, le célèbre Prélude no 4 en mi mineur.
Mon affection pour Chopin, l'homme et sa musique, est irrationnelle, c'est pourquoi il m'est difficile d'en parler. Si je me risquais à dire vraiment ce qu'il représente (je le ferai un jour), il me restera à peine de quoi me couvrir pour la nuit! George Sand avait noté dans Histoire de ma vie ce passage, qui m'a fait mal la première fois que je l'ai lu :
Notre séjour à
la Chartreuse de Valldemosa fut donc un supplice pour lui et un tourment pour
moi. Doux, enjoué. charmant dans le monde, Chopin malade
était désespérant dans l’intimité exclusive. Nulle âme n’était plus noble, plus
délicate, plus désintéressée ; nul commerce plus fidèle et plus loyal, nul
esprit plus brillant dans la gaieté, nulle intelligence plus sérieuse et plus
complète dans ce qui était son domaine ; mais, en revanche, hélas ! nulle
humeur n’était plus inégale, nulle imagination plus ombrageuse et plus
délirante, nulle susceptibilité plus impossible à ne pas irriter, nulle
exigence de coeur plus impossible à satisfaire. Et rien de tout cela n’était de
sa faute à lui. C’était celle de son mal. Son esprit état écorché vif ; ; le
pli d’une feuille de rose, l’ombre d’une mouche le faisaient saigner. Excepté
moi et mes enfants, tout lui était antipathique et révoltant sous le soleil de
l’Espagne. Il mourait de l’impatience du départ, bien plus que des
inconvénients du séjour.
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